Ayant la difficile tâche de remplacer les agiles et nerveuses Giulia GT, la version coupé de l’Alfetta se présente avec toutes les cartes en main pour affronter un marché toujours plus exigeant qui recherche non seulement les performances, mais aussi une fonctionnalité quotidienne.
L’Alfa Romeo Alfetta voit le jour en 1972 en tant qu’héritière de la famille Giulia et la version coupé ne pouvait être absente, comme le veut la tradition. Elle doit prendre le relais de la victorieuse lignée des Giulia Sprint GT. La tâche est rendue encore plus difficile par la hiérarchie Alfa qui veut offrir au marché non seulement une coupé sportive, mais également une voiture en mesure de proposer un habitacle spacieux adapté au quotidien. L’habitabilité et la capacité de chargement font partie des principaux éléments structuraux que l’ingénieur Rudolf Hurska instille dans la conception de l’Alfetta, son cheval de bataille.
La conception de la nouvelle coupé Alfa est confiée, dans la seconde moitié des années 60, à Italdesign dirigé par Giorgetto Giugiaro. Ce dernier avait contribué à définir les lignes de la Giulia Sprint GT, alors qu’il faisait partie de l’équipe de Bertone. Le projet initial part de la mécanique consolidée de la Giulia, avant de s’affiner avec le nouveau schéma mécanique de l’Alfetta. Dans ce cas, l’architecture de la boîte-pont, qui déplace tout le bloc d’embrayage et de boîte de vitesses vers l’arrière, permet à Giugiaro de créer un habitacle plus spacieux.
En 1974, l’Alfetta GT voit le jour, deux ans après la berline. Le crayon du designer piémontais donne naissance à un prisme triangulaire. La véritable révolution se trouve dans le pare-brise très incliné, comme le capot. La calandre à quatre phares est audacieuse, comme une véritable voiture de sport Alfa. Le spoiler avant est réalisé en résine noire souple afin de ne pas nuire à l’élégance du design. La vue latérale souligne l’aspect cunéiforme qui se termine par une queue tronquée et des groupes optiques encastrés dans la carrosserie. L’aileron arrière à l’extrémité du hayon, qui ferme le coffre, est particulièrement réussi. La lunette reprend l’inclinaison du pare-brise et s’harmonise bien avec les deux grandes vitres arrière, dont l’une peut être abaissée : elles rendent l’habitacle très lumineux.
Comme souhaité, l’intérieur offre de l’espace aux deux passagers arrière, tandis que les sièges avant sont sportifs mais confortables, avec un bon maintien latéral et d’excellents réglages, y compris en hauteur. Mais la véritable âme sportive de l’ADN Alfa Romeo se trouve dans le tableau de bord. Derrière le volant, le tableau de bord ne comporte que le compte-tours circulaire. Le reste des instruments, du compteur de vitesse à la jauge de pression d’huile, en passant par celle de température de l’eau et du niveau de carburant, ainsi que tous les voyants annexes, sont placés dans une section rectangulaire au centre de la planche de bord. Difficile de faire plus sportif.
Suivant les évolutions mécaniques de la berline, la première GT est rejointe par l’Alfetta GTV. Avec les moteurs 2.0 et V6 2.5, ainsi qu’une carrosserie et un intérieur adaptés à l’évolution du marché, elle devient la véritable star. Les versions exubérantes produites par Autodelta sont inoubliables, notamment la légendaire GTV 2.0 Turbodelta.
Par rapport à la berline, l’Alfetta GT a un empattement plus court de 110 mm. Mécaniquement, elle est équipée du même « milleotto » à double arbre de 122 ch, tandis que l’architecture de la boîte-pont a la même boîte à cinq rapports et le même rapport de pont (10/41), mais des pneus plus larges et légèrement abaissés : 185/70 sur des jantes de 14 pouces. La masse en ordre de marche est inférieure de seulement 6 kg, mais la vitesse maximale est supérieure de 15 km/h : pour la nouvelle Alfetta GT, Alfa Romeo déclare 195 km/h.
À l’été 1976, la GT 1.8 et la berline sont rejointes par une version plus économique, la GT 1.6 de 109 ch. L’Alfetta GTV 2.0 voit le jour avec le moteur à double arbre de deux litres pour 122 ch. Quelques détails différencient cette version « Veloce » : les petits rostres sur les pare-chocs et l’inscription GTV à la place des fentes transversales de la bouche d’aération de l’habitacle qui ferment le montant arrière par un triangle. Entre la calandre et le pare-chocs, de fines fentes dans la carrosserie augmentent le flux d’air dans le compartiment moteur sans altérer l’élégance générale de la vue avant. Les jantes en acier de série, avec trous rectangulaires, sont légèrement différentes. Dans l’habitacle, une moulure en bois rehausse le tableau de bord.
Toujours dans la lignée de la berline, une nouvelle augmentation de puissance intervient au printemps 1979 avec l’Alfetta GTV 2.0 L qui distribue désormais 130 ch. Adaptée aux nouvelles performances, la partie cycle présente des réglages de suspension plus sportifs, tandis que l’intérieur est agrémenté de nouveaux tissus qui recouvrent les sièges et les panneaux de porte. Les GTV et GTV L seront les coupés Alfetta les plus nombreuses : plus de 31 000 exemplaires pour la première et plus de 26 000 pour la seconde.
Le premier véritable restylage stylistique a lieu fin 1980 : remplaçant tous les chromes, le noir domine ; le spoiler avant est plus grand, plus visible et plus étendu sous le pare-chocs, désormais entièrement en résine, tout comme l’arrière. Les feux arrière se présentent désormais sous la forme d’un corps unique dépassant de la carrosserie. Les jantes en alliage, toujours en option, sont également différentes. À la fin de l’année 1981, cette nouvelle Alfetta GTV 2.0 est rejointe par la version Grand Prix en édition limitée : uniquement déclinée en rouge, elle présente des moulures noires contrastées et des jantes en alliage gris foncé. À l’intérieur, la moquette est rouge et les sièges recouverts de velours noir et gris. Le tableau de bord devient plus « traditionnel ».
À côté de la version deux litres de 130 ch apparaît la version avec le V6 dérivé de l’Alfa 6. Contrairement au modèle amiral, l’alimentation en carburant n’est pas confiée aux six carburateurs monocorps mais au système d’injection Bosch L-Jtronic. Le moteur développe 154 ch, avec une distribution plus fluide et un couple maximal (21,6 kgm) dès 3 200 tr/min. La chaîne cinématique est renforcée, les freins avant autoventilés et les réglages adaptés aux nouvelles performances, tandis que le capot avant est ostensiblement rehaussé pour accueillir le moteur plus volumineux.
De 1983 à 1986, la gamme se compose de la version à quatre cylindres 2.0 et de celle à six cylindres 2.5i. Les dernières Alfetta GTV sont agrémentées d’un intérieur plus raffiné et mieux insonorisé et de quelques retouches cosmétiques.
Les transformations effectuées par Autodelta méritent un chapitre à part. La première apparaît en 1977 : 20 exemplaires réservés au marché allemand avec le V8 2.6i dérivé de la Montreal, qui s’inspirait elle-même du V8 de la magnifique 33 Stradale : 200 ch, 0-100 km/h en 7 secondes et une vitesse maximale qui dépasse les 230 km/h.
La transformation la plus célèbre arrive en 1979 : l’Alfetta GTV 2.0 Turbodelta. Autodelta prépare un kit de suralimentation composé de nombreux éléments, dont la turbine KKK et les carburateurs double corps « pressurisés » : la puissance passe ainsi à 150 ch. Les Alfetta 2.0 sortent de la chaîne de production et quittent Arese pour Settimo Milanese afin d’être transformées en Turbodelta : la production est d’environ 400 exemplaires pour obtenir l’homologation Groupe 4. La livrée flashy est généralement rouge, avec un capot noir mat et des flancs multicolores rehaussés du lettrage Turbodelta en lettres capitales sur les portières. Le pilote de Formule 1 Niki Lauda est souvent aperçu en Italie au volant de sa GTV Turbodelta (il court à l’époque pour Brabham-Alfa Romeo).
Une dernière GTV avec un moteur élaboré par Autodelta a été réalisée à seulement 200 exemplaires en Afrique du Sud entre 1984 et 1985. Elle est équipée du V6 de l’Alfa 6 porté à 3 litres pour 186 ch. Elle présente le volant à droite, des sièges Recaro, le tableau de bord de la première série, un capot en résine avec prise d’air de type Naca au centre et des jantes en alliage avec pneus Pirelli P7.
Les Alfetta GTV obtiennent de bons résultats sportifs. Au début, ce sont les pilotes privés qui courent sur circuit avec les GTV, tandis qu’Autodelta s’engage officiellement en rallyes : l’équipage Pregliasco-Reisoli remporte le Championnat italien Groupe 2, devenant par la même occasion les protagonistes de la campagne publicitaire de l’époque. Ce même équipage participe au Championnat européen, avec une victoire inoubliable au rallye du Danube en 1980. Avec l’arrivée du V6 2.5i, Alfa fait son retour sur les circuits et remporte quatre fois d’affilée le Championnat d’Europe des voitures de tourisme, de 1982 à 1985, et deux Championnats de France en 1983 et 1984. En rallye, le pilote Bentivogli remporte le Championnat italien Groupe N en 1982 et le Championnat Groupe A les deux années suivantes.
La production totale de toutes les Alfetta GT et GTV de 1974 à 1986 dépasse les 137 000 exemplaires, contre les 476 000 de la version berline. L’Alfetta est populaire auprès du public parce qu’elle incarne la véritable essence sportive d’Alfa Romeo, avec ce supplément d’espace qui la rend pratique et lui permet d’être toujours en phase avec son époque.