En 1935, l’écurie Ferrari est encore l’équipe de course officielle d’Alfa Romeo, qui lui fournit les véhicules pour participer aux courses du monde entier. Enzo Ferrari, qui souhaite fournir à ses pilotes un véhicule particulièrement puissant, décide de faire concevoir et créer un modèle à deux moteurs.
Le temps presse et Luigi Bazzi ne se voit accorder que quelques mois pour préparer l’Alfa Romeo 16C Bimotore. L’idée est aussi ambitieuse que complexe, mais Bazzi, en partant du châssis d’une Alfa Romeo P3, réussit à insérer deux moteurs à huit cylindres en ligne de 3 165 cm³ chacun dans son véhicule : le premier est placé de manière conventionnelle devant le pilote, l’autre est dans son dos. Il réalise ainsi l’un des véhicules de compétition les plus originaux de l’époque et même de l’histoire.
La traction reste limitée à l’axe arrière, qui est mis en mouvement par un différentiel placé à la sortie de la boîte de vitesses à trois rapports au moyen de deux longs demi-arbres en V commandés par des couples coniques agissant sur les roues arrière. L’arbre de transmission du moteur arrière « traverse » la boîte de vitesses et se connecte au volant du moteur avant et à l’unique embrayage, qui reçoit ainsi le mouvement des deux moteurs à huit cylindres. Deux réservoirs à essence sont situés le long des flancs du véhicule pour remplacer celui qui est généralement situé dans le dos du pilote, à l’emplacement du second moteur.
Le cumul des 270 chevaux de chaque moteur, tous deux suralimentés par des compresseurs volumétriques, atteint les 540 chevaux, une valeur extrêmement élevée même pour un modèle de Grand Prix.
La Bimotore est entrée dans l’histoire avec le record de vitesse sur le kilomètre et le mile lancé.
Dans les ateliers de Modène, Bazzi réussit à construire deux véhicules : un pour Louis Chiron et l’autre pour Tazio Nuvolari. La Bimotore fait ses débuts au Grand Prix de Tripoli le 12 mai 1935. Les longues lignes droites du circuit de la Mellaha, en Lybie, semblent constituer le terrain idéal pour tester le véhicule et lâcher les rênes à une telle cavalerie. Nuvolari et Chiron obtiennent respectivement la quatrième et la cinquième place. L’Alfa Romeo tente à nouveau sa chance à l’Avusrennen le 26 mai et Chiron réussit à monter sur la deuxième marche du podium.
Le 15 juin 1935, sur la portion Altopascio-Lucca de l’autoroute A11, surnommée « Firenze-Mare », « Nivola » prend encore une fois le volant de la Bimotore pour tenter de battre le record sur le kilomètre et le mile lancé. Les chronomètres sont élogieux : 321,428 km/h en moyenne sur le kilomètre, avec un temps moyen de 11,20 secondes, et 323,125 km/h en moyenne sur le mile, avec 17,93 secondes. La vitesse de sortie est d’environ 364 km/h. Nuvolari reçoit de nombreuses félicitations, y compris de la part de son plus grand adversaire, Achille Varzi, qui n’a pas voulu manquer le rendez-vous et qui rend un hommage mérité à l’homme de tous les records.
L’exemplaire exposé à Passione Engadina, symbole des épopées sportives ayant uni le Cheval cabré au Serpent, provient de la collection de FCA Heritage. Ce véhicule bien particulier, exposé le restant de l’année au Musée d’histoire Alfa Romeo d’Arese, permet de voir l’emplacement des deux moteurs grâce à des panneaux transparents, avec le blason Alfa Romeo de l’époque sur le capot et le Cheval cabré sur les flancs.
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